UTILISATION D ' UNE COMPOSITION A BASE DE GOMME XANTHANE ET DE GALACTO- OR GLUCOMANNAN EN TANT QUE STABILISANT DE MOUSSES MOLLES , ET LES MOUSSES A BASE DE CETTE COMPOSITION
L'invention a pour objet l'utilisation d'une composition à base de gomme xanthane, en tant que stabilisant de mousses molles ainsi que les mousses molles stabilisées par ces compositions.
Les industriels proposent constamment de nouveaux produits afin de répondre aux exigences des consommateurs. C'est ainsi que depuis quelques années les industriels essaient de modifier la texture de leur produits et notamment ils développent des textures de mousses.
Ainsi de nombreux produits alimentaires sont proposés sous forme de mousse. On peut citer les mousses de yaourt, les mousses glacées. Il en va de même pour le domaine de la cosmétique, où l'on propose des mousses détergentes. Ils sont encore dénommés produits foisonnes. En fait les mousses sont des systèmes biphasiques complexes comportant au moins deux phases non miscibles, dont au moins l'une peut être un liquide et l'autre est un gaz. Des bulles de gaz, généralement de l'azote, sont dispersées dans au moins une phase liquide, ou solide.
De nombreuses techniques sont aujourd'hui utilisées pour la fabrication des mousses. Ces techniques sont adaptées aux différentes formulations et aux applications concernées. Les procédés classiques de réalisation des mousses (dits techniques de foisonnement) associent au moins battage et buliage, par exemple dans les foisonneurs de type Mondomix, ou encore dans des échangeurs à surface raclée. En effet le battage, encore appelé cisaillement, est subi par la phase liquide, encore appelée phase continue, qui suite au buliage (injection du gaz dans l'enceinte de foisonnement) permet la formation d'une mousse. On peut encore citer comme techniques de foisonnement, le foisonnement par nucléation (cas de certaines boissons), ou par détente (cas des aérosols notamment ).
Il est nécessaire pour la réalisation de la mousse, que la phase liquide comporte au moins un agent emulsifiant. Pour que la mousse obtenue soit stable dans le temps, la mousse doit encore être stabilisée, afin qu'elle conserve sa texture de mousse, par au moins un agent stabilisant incorporé dans le système de départ, ou encore en utilisant un agent foisonnant, ou une base foisonnante, ayant à la fois des propriétés d'agent emulsifiant et de stabilisant. Actuellement, le marché des produits foisonnes, notamment dans le domaine alimentaire, est aujourd'hui majoritairement dominé par l'utilisation de gélatine, qui agit aussi bien en tant qu'agent foisonnant, que stabilisant. Les problèmes récents liés à la découverte de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), ont eu des retombées
négatives sur l'utilisation de la gélatine dans l'industrie alimentaire. De plus, la consommation de gélatine, interdite par un certain nombre de religions, diminue de façon importante les perspectives de vente de ces produits. De nombreux industriels sont donc à la recherche de systèmes de substitution de la gélatine. La caractérisation du type de mousse obtenue peut se faire de différentes manières et de nombreux critères ont déjà été utilisés pour essayer d'établir un classement des mousses. Parmi ces critères, on peut indiquer des paramètres de structure (mousses sphériques / mousses polyédriques, ou mousses à cellules fermées / mousses à cellules ouvertes). On peut encore classer ces produits en fonction de leur temps de vie (quelques secondes à quelques minutes pour les mousses transitoires, et quelques heures voire quelques mois pour les mousses permanentes). Un des critères également retenu pour différencier ces produits est leur texture, en particulier les propriétés rhéologiques de la mousse et plus précisément de la phase continue qui constitue le squelette de la mousse. A partir de ce critère, on peut différencier les mousses liquides, comme par exemple là mousse de bière, où la phase continue est un liquide, et les mousses molles, comme par exemple la mousse au chocolat, où la phase continue est un gel viscoélastique.
Si l'obtention de ces mousses ne pose plus de problèmes particuliers, par contre leur stabilisation est un point critique dans le succès de ces produits. Ce problème se pose tout particulièrement au cours de la réalisation des mousses car leurs phases continues subissent un cisaillement important, qui peut altérer les propriétés des stabilisants actuels.
L'objet de l'invention est de proposer un nouveau type de stabilisant. Aussi la présente invention propose d'utiliser comme stabilisant de mousses molles une composition à base de gomme xanthane et d'au moins un galactomannane ou un glucomannane, et ne comportant pas d'hétéroxylanes.
L'invention propose également des mousses molles comportant une telle composition en tant que stabilisant.
On entend par mousse molle des mousses dont la phase continue est un gel ayant des propriétés viscoelastiques. A titre d'exemple le module viscoélastique est de l'ordre de 10+2 Pascal.
L'utilisation du stabilisant selon l'invention a pour avantage que la mousse molle conserve mieux ses propriétés, notamment sa structure homogène de mousse, malgré les phénomènes de vieillissement qui se produisent naturellement, notamment le mûrissement d'Ostwald ou la coalescence, et tout particulièrement le drainage.
En effet parmi ces mécanismes de vieillissement, le drainage est un point critique dans le cas du vieillissement des mousses molles. Le drainage est directement lié à la grande différence de densité entre la phase continue et la phase dispersée, et se traduit
par la montée de la fraction gazeuse au cours du temps dans la mousse, suite à un écoulement du liquide entre les bulles, par gravité. Dans le cas des mousses dites molles, le phénomène de drainage est à éviter totalement : cette condition est impérative dans la formulation de ces systèmes pour des raisons marketing liées à la présentation du produit. Dans les mousses dites liquides, pour lesquelles la phase continue est de faible viscosité, le drainage est le processus de déstabilisation le plus important et surtout il est inévitable.
Un autre avantage est que le stabilisant selon l'invention peut être utilisé dans le cas des produits dits « allégés » pauvres en matière grasse ou ceux à 0 % de matière grasse.
D'un point de vue organoleptique, l'utilisation de la composition selon l'invention a l'avantage de conserver le caractère fondant en bouche et l'onctuosité aux produits foisonnes dans lesquels elle est incorporée.
Enfin de manière surprenante cette composition peut se substituer à la gélatine. De plus, il a été constaté que cette composition est plus résistante à la température que la gélatine et permet d'améliorer la longévité des mousses réalisées, ce qui est un avantage lorsque les mousses ont besoin d'être transportées ou stockées. La stabilisation de la mousse permet un stockage durable de la mousse selon l'invention. Par stockage durable on entend un stockage d'au plus 1 mois. Pendant tout le stockage, la mousse conserve ses propriétés de mousses molles.
D'autres avantages et caractéristiques de la présente invention apparaîtront clairement à la lecture de la description, et des exemples donnés à titre purement illustratif et non limitatif, qui vont suivre.
L'invention concerne tout d'abord l'utilisation d'une composition à base de gomme xanthane et d'au moins un galactomannane ou un glucomannane, et ne comportant pas d'hétéroxylanes, en tant que stabilisant de mousses molles.
La gomme xanthane est un polysaccharide exocellulaire anionique synthétisé notamment par une bactérie Xanthomonas campestris. Le motif de base de la gomme xanthane est composé de cinq résidus osidiques : la chaîne principale est constituée d'unités de D-glucose, reliées entre elles par des liaisons β(1-4). Il s'agit d'une structure identique à celle de la cellulose. Un glucose sur deux est substitué en C3 par une chaîne triosidique anionique, comportant un acide glucuronique et deux mannoses. Le premier mannose est partiellement acétylé et le mannose terminal peut porter un acide pyruvique sous forme d'acétal avec les carbones 4 et 6. Ces taux d'acétate et de pyruvate sont variables suivant les souches utilisées et les conditions du milieu de culture. Pour le xanthane usuel, le degré de substitution en pyruvate est de 0,3-0,5 alors que celui en acétate est souvent proche de 1.
Les galactomannanes sont des polysaccharides non ioniques extraits de l'albumen de graines de légumineuses dont ils constituent le glucide de réserve. On peut citer la gomme de caroube, celle-ci est extraite des graines de caroubier ( par exemple Ceratonia siliqua), qui est un arbre à feuillage persistant originaire de Syrie et d'Asie mineure, mais cultivé sur tout le littoral méditerranéen. On peut citer également la gomme de guar qui provient des graines de guar (par exemple Cyamopsis tetragonolobus). Les galactomannanes sont constitués d'une chaîne principale d'unités D-mannose liées en β(1-4) sur laquelle sont liés en α(1-6) des résidus D-galactose. Le rapport mannose/galactose, caractéristique de chaque galactomannane, est d'environ 2 pour la gomme guar et aux environs de 4 pour la gomme de caroube.
A titre de galactomannane utilisé, on peut citer ceux choisis parmi la gomme de caroube, de tara, ou de guar.
Le galactomannane préféré est la gomme de caroube.
Les glucomannanes ont des structures proches des galactomannanes, et comprennent du glucose à la place du galactose, comme par exemple le konjac- mannane.
On préférera utiliser les galactomannanes aux glucomannanes.
Il est avantageux d'utiliser des galactomannanes à masse molaire élevée, de préférence au-dessus de 1. 106g / mole. Les proportions respectives dans la composition de galactomannanes ou de glucomannanes, et de gomme xanthane sont de préférence comprises entre 99 / 1 et 1 / 99 en poids, et plus particulièrement entre 70 / 30 et 30 / 70 en poids et encore plus particulièrement entre 60 / 40 et 40 / 60 en poids.
La concentration dans la mousse de la composition stabilisante précitée peut varier selon les mousses et selon leur taux de foisonnement.
Cette concentration dans la mousse est d'au moins 0,05 % en poids par rapport au poids total de la mousse.
Dans le cas des mousses à 0 % de matières grasses, la concentration peut être un peu plus élevée que précédemment. Ainsi elle peut être d'au moins 0,1 %, préférentiellement au moins 0,3 % en poids par rapport au poids total de la mousse.
Il est à noter que la composition stabilisante précitée peut contenir en outre au moins un agent emulsifiant ou au moins une base foisonnante.
On entend par agent emulsifiant tout produit capable de compatibiliser 2 phases, liquide / liquide ou liquide / solide ou encore liquide / gaz, notamment toutes substances qui abaissent la tension interfaciale entre ces 2 phases. Les émulsifiants usuels se composent d'une région hydrophobe (acide gras ou autre lipide) et d'une région hydrophile et polaire (sucre, phosphate, élément ionisé). Parmi les émulsifiants utilisés dans le domaine alimentaire, on peut citer notamment les protéines (par exemple les
lécithines du jaune d'ceuf, les protéines laitières ou les protéines extraites de soja), les phospholipides, les acides gras, les glycérides partiels (mono- et diglycérides), les glycérides complexes (acide tartrique, acide citrique) ou encore les sucroglycérides.
II est à noter que les mousses molles stabilisées grâce à l'utilisation de la composition selon l'invention ont une température de fusion plus élevée que celles stabilisées avec les stabilisants de l'art antérieur, notamment la gélatine. Cette température de fusion peut être adaptée selon l'application visée et en modulant sur la nature et les proportions des constituants de l'invention. Elle peut aussi être adaptée en faisant varier la force ionique. A titre d'exemple, cette température de fusion est d'au moins 40°C.
De plus les mousses stabilisées grâce à l'utilisation de la composition selon l'invention ont une phase continue qui est un gel ayant un module viscoélastique d'au plus quelques centaines de Pascal. De préférence le module viscoélastique des mousses selon l'invention peut être compris entre 50 et 600 Pascal, plus particulièrement il est compris entre 100 et 200 Pascal.
Les mousses stabilisées grâce à l'utilisation de la composition selon l'invention présentent également un taux de foisonnement d'au plus 160% et qui peut être compris entre 50 à 160%, de préférence compris entre 90% et 120%, plus particulièrement il est de 100%, pourcentages exprimés en volume.
Le taux de foisonnement est calculé de la manière suivante : Taux de foisonnement = Volme final - volume initial x 100
Volume initial Cette température de fusion peut être d'au moins 50°C dans le cas d'une composition à base de gomme xanthane et de gomme de caroube. Dans le cas d'une composition à base de gomme xanthane et de gomme de guar, elle peut varier de 40°C à 60°C.
On entend par température de fusion, la température au-delà de laquelle la mousse fond.
Les compositions stabilisantes précitées peuvent être utilisées dans les mousses cosmétiques, alimentaires, détergentes, agrochimiques, pharmaceutiques.
On peut notamment citer parmi les mousses alimentaires, les mousses de yaourt, mousses au chocolat, bavarois, mousses de charcuterie, mousses de légumes, mousses de poisson. Parmi les mousses de la cosmétique ou de la detergence, on peut également citer à titre d'exemple, les mousses à raser, mousses de coiffage, crèmes de jour foisonnées.
L'invention concerne ensuite des mousses molles caractérisées en ce qu'elles comprennent à titre de stabilisant, la composition précitée.
Les mousses sont réalisées selon les procédés classiques de fabrication de celles-ci. Les mousses molles peuvent être des mousses ayant un milieu acide ou neutre, dans leur phase continue. Elles peuvent également contenir des agents solides, comme de la pulpe de fruits, des copeaux de chocolat, des pétales de céréales, de la poudre de coco ou de la vanille.
Les mousses molles selon l'invention sont de préférence des mousses laitières, c'est à dire à base de protéines du lait.
Plus particulièrement, les mousses selon l'invention ne contiennent pas, ou peu de protéines issues des oeufs.
Les mousses qui comprennent à titre de stabilisant la composition précitée, sont plus particulièrement des mousses de yaourt, des mousses au chocolat, des mousses de garniture, comme par exemple la crème Chantilly, des mousses de charcuteries, comme par exemple des mousses de foie, des mousses de légumes, des mousses de poisson.
Les exemples suivants illustrent l'invention sans toutefois en limiter la portée.
EXEMPLES
Mousse de yaourt acide à 0% de matières grasses : Pour obtenir une mousse de yaourt onctueuse, en utilisant la composition selon l'invention, on procède comme suit :
1/ Après traitement thermique un lait écrémé, qui est enrichi avec 0,3% en poids d'un mélange xanthane / caroube (ratio 60/40), est dispersé sous agitation à 60°C pendant 30 minutes. Le mélange est ensuite refroidi à 43°C et ensemencé à raison de 4 UA (Unités Acidifiantes) pour 100 litres. La fermentation est effectuée pendant 6 heures. Le yaourt est ensuite stocké à 5°C pendant une nuit.
2/ Le système obtenu est ensuite foisonné à l'aide d'un appareil à foisonnement par battage avec incorporation d'air (Mondomix). Le taux de foisonnement visé est de 100% (ce qui correspond à 1 litre de gaz injecté pour 1 litre de phase continue). La mousse est stockée dans une enceinte thermostatée à 5°C.
Le tableau suivant reprend la formule classique d'une mousse de yaourt sans matière grasse :
La mousse obtenue est comparable en texture et en qualités sensorielles aux mousses fabriquées traditionnellement avec de la gélatine. La conservation du produit est de l'ordre de 28 jours. Aucun phénomène de drainage n'est observé (la concentration en bulles reste homogène sur toute la hauteur de la mousse), ni d'affaissement de la mousse (perte de gaz donc perte de volume).
Garniture mousseuse de crème avec matière grasse
Pour la préparation de la crème à foisonner, un mélange des poudres est effectué (sucre, poudre de lait, emulsifiant, hydrocolloïdes). L'eau est chauffée à 65°C et les poudres y sont alors dispersées sous agitation. La matière grasse végétale est portée à 70°C et incorporée au mélange. Le système est laissé à cette température pendant 15- 20 minutes, puis la température est montée à 90°C pendant quelques secondes. Une homogénéisation est réalisée à 100 bars en une étape, puis un traitement UHT à 130°C est maintenu pendant quelques secondes. La température du mélange est abaissée à 50-60°C, et le système conservé à 5°C pendant une nuit. Le foisonnement est réalisé par battage et incorporation de gaz à 5°C à l'aide d'un Hansa® Mixer. Le taux de foisonnement obtenu peut varier de 100 à 200%.
La mousse obtenue est stable à la conservation pendant 28 jours : elle ne présente pas de phénomène de drainage, ni d'affaissement.
Mousse au chocolat avec matières grasses :
La mousse est préparée suivant un procédé équivalent à celui qui est utilisé précédemment pour la garniture mousseuse de crème. La recette utilisée est la suivante :
Exemple comparatif avec la gélatine :
L'avantage important du stabilisant selon l'invention est sa surprenante résistance au cisaillement au cours de l'opération de foisonnement, et ce, contrairement aux systèmes fabriqués à base de gélatine. En effet, le stabilisant selon l'invention conserve son élasticité même après un fort cisaillement. Le tableau suivant montre à titre d'exemple les valeurs de modules viscoelastiques mesurés en régime dynamique par des techniques rhéologiques classiques immédiatement après un cisaillement à 4000 tours par minute pendant 10 minutes d'une base constituée de yaourt à 0% (telle que définie dans la recette 1), dans le corps du foisonneur.
Les résultats expérimentaux montrent que dans le cas de la gélatine, la phase continue devient liquide, alors que dans le cas du mélange xanthane/caroube, les propriétés viscoelastiques du système sont conservées. Cette caractéristique permet une immobilisation instantanée des bulles dans la mousse en sortie de foisonneur et la certitude de pouvoir éviter les phénomènes de drainage par gravité.