Comment le monde de la culture en France s'empare de l'intelligence artificielle
L’IA peut-elle créer de l’art ?
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Comment protéger les artistes ?
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Radio France : à l’écoute de l’IA
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PROPOSÉ PAR RÉALISÉ PAR
Pierrick Jégou
PHOTOGRAPHE
RÉALISATEUR
Les
“hAllUcinAtiOns de la machine”
La couverture de ce onzième numéro a été réalisée avec l’intelligence artificielle par l’artiste Pierrick Jégou, photographe et réalisateur. ll raconte.
Lorsque j’ai commencé à m’intéresser à l’IA avec des outils sur Google Colab,tels que Disco Diffusion, nous étions en pleine période Covid.
C’était déjà bluffant de voir à quel point la machine arrivait à comprendre mes demandes,mais les résultats n’étaient pas encore cohérents. Depuis,les modèles ont tellement progressé que l’on peut créer des images parfaitement réalistes.
Pour cette couverture,je voulais montrer comment l’IA transforme la perception du monde et ouvre de nouveaux horizons.Je souhaitais que l’image soit surréaliste,mais tout de même tangible.J’ai donc essayé de créer une réalité alternative,en mélangeant des pistes avec un côté analogique et des éléments qui nous transportent dans une autre dimension.
Je me suis inspiré d'œuvres existantes,notamment surréalistes.Je les ai faites analyser par l'IA pour comprendre comment elle les interprétait,afin d’être précis par la suite dans mes instructions. J’ai également pu orienter le style en utilisant en référence mes propres photographies puis j’ai utilisé d’autres outils d’IA pour agrandir la résolution et améliorer le rendu.
Ce qui est fascinant,c’est qu’il demeure toujours une part d’inconnu.Quelle que soit la précision des « prompts »,il y aura toujours un petit quelque chose qu’on n’attendait pas,comme si la machine rêvait et que les images générées étaient finalement ses propres hallucinations…
Édito
Sébastien Missoffe
DIRECTEUR GÉNÉRAL GOOGLE FRANCE
“L’IA est une chance à saisir pour faire rayonner davantage la culture française”
Chez Google, nous voyons l'IA comme un outil de choix pour aider chacun à être plus productif mais aussi créatif, à la manière d’une muse qui viendrait stimuler notre inspiration. Cet enthousiasme est partagé : les recherches "créer avec l'IA" ont presque triplé en France entre 2023 et 2024 sur notre moteur de recherche*. Bientôt, avec des outils comme Veo, notre modèle qui transforme un simple texte en vidéo cinématographique, chacun pourra donner vie à ses histoires et ses idées.
Comme toute innovation de rupture, la révolution actuelle s’accompagne de nombreuses questions. Il est donc impératif d'adopter une approche responsable de l'IA, tant dans son développement que dans ses usages. Bien sûr, cet effort ne peut être que collectif. C’est ainsi que nous assurerons l’essor du modèle culturel français et de ses fleurons, comme Radio France, dont vous découvrirez l’histoire en page 16.
J'ai la conviction que l'IA permet d'élargir l'horizon des possibles et qu’elle constitue en ce sens une chance à saisir pour que, tous ensemble, nous puissions faire rayonner encore davantage la culture française.
*Google Trends : augmentation des recherches entre Janvier - mi Juillet 2023 et Janvier - mi Juillet 2024
Google Ireland Limited, Gordon House, Barrow Street, Dublin 4, Irlande — Numéro d’enregistrement : 368047 — Numéro de TVA : IE6388047V.— Ceci est une communication de Google. — Conception et réalisation : Revere/Edelman — Directeur de la publication : Paul Manicle — Comité de pilotage : Hélène Marlaud, Mélanie Gancel, Charles Alf Lafon —
Direction artistique : Marion Comte, Anthony Teixeira / DotStudio — Illustrations : Adam Quest— Crédits iconographiques : Pierrick Jégou –Détroit, Delphine Diallo, Pierre Morel, David Pauwels, William Lacalmontie — Fabrication : EG+ Worldwide — ISSN : en cours — Dépôt légal : à parution
L’IA peut-elle créer de ?
Résumé avec Gemini
L'intelligence artificielle offre de nouvelles possibilités de création mais l'artiste reste au cœur du processus créatif.
Elle transforme notre rapport à l'œuvre d'art et nous invite à repenser le rôle de l'émotion dans la création.
Les artistes ont un rôle clé à jouer en définissant les usages de l'IA et en explorant de nouveaux territoires créatifs.
DENSEIGNANT À SCIENCES PO ET CO-AUTEUR DE « PROPOS SUR L’ART ET L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE»
ans quels domaines artistiques l’intelligence artificielle estelle actuellement utilisée ?
Valentin Schmite _ L’IA a depuis ses débuts des applications dans le monde de la culture. Dès les années 50, Alan Turing avait créé une machine à écrire des lettres d’amour inspirées de sonnets de Shakespeare. Aujourd’hui, de nombreux artistes utilisent des outils de génération d’image. On en parle beaucoup, notamment depuis que Théâtre d’opéra spatial, une image générée par Midjourney à partir d’un texte de Jason Michael Allen, a remporté un concours de la Colorado State Fair en 2022. Les utilisations se multiplient également dans le domaine musical, à l’instar de Now and Then, la chanson des Beatles achevée grâce à une IA l’an dernier.
L’IA peut-elle aujourd’hui créer des œuvres de manière autonome ?
V. S. _ Pour moi, ce qui fait une œuvre d’art, c’est ce quelque chose de nous-même que nous y mettons. Je vois donc l’IA comme un outil au service des créateurs plutôt qu’une source de création en tant que telle. Estimer qu’une IA est créative, cela revient à dire qu’un appareil photo est une machine autonome, capable de créer une image par elle-même. La naissance de l’appareil photo a d’ailleurs été déterminante dans l’histoire de la création artistique : les peintres eux-mêmes ont dû se positionner par rapport à cette invention, ils ont dû réapprendre une manière de peindre, et je pense d'ailleurs qu'on n'aurait pas eu d’impressionnistes autrement. C’est exactement ce qui est en train de se passer avec l’intelligence artificielle.
Valentin Schmite
Comment l’IA pourrait-elle redéfinir le processus de création artistique ?
V. S. _ Elle va nous permettre de surmonter des blocages techniques. Auparavant, il fallait beaucoup de matériel, de connaissances et d’investissement, pour créer un film ou enregistrer un morceau de musique. Cela devient aujourd’hui beaucoup plus accessible. En revanche, cela pousse les artistes à redéfinir leurs pratiques, et à s’interroger sur ce qui va les distinguer de toutes les pratiques amateurs qui vont se massifier. Mais pour matérialiser des idées, maîtriser réellement les outils d’intelligence artificielle et se les approprier, il faudra acquérir des compétences techniques très complexes.
L’IA pousse les artistes à redéfinir leurs pratiques, et à s’interroger sur ce qui va les distinguer de toutes les pratiques amateurs, qui vont se massifier.”
Valentin Schmite
Dans ce cadre, les artistes qui actuellement émergent le plus sont celles et ceux qui ont des notions de développement informatique. Pour une performance sur les bulles spéculatives, la Britannique Anna Ridler a par exemple créé sa propre base de données de photos de tulipes et créé une installation capable de générer de nouvelles formes de tulipe, reliées au cours du bitcoin. Ce genre de pratique exige de comprendre
BIO
Auteur des livres « Propos sur l'Art et l'Intelligence artificielle » et « Propos sur ce robot qui parle », Valentin Schmite dirige à Sciences Po Paris et au Celsa un cours sur l'intelligence artificielle dans la culture. Il est également co-fondateur avec Marion Carré d’Ask Mona, la première start-up mettant l'intelligence artificielle au service des lieux culturels, à découvrir page 6.
comment fonctionne une intelligence artificielle pour en tirer le meilleur parti. En France, un chemin dans cette direction a été fait depuis une dizaine d’années, avec des cours de code proposés dans de nombreuses écoles d’art.
Comment l’apparition de l’IA peut également modifier la façon dont l’art est perçu et consommé ?
V. S. _ On estime que, d’ici 2030, il y aura plus d’images générées que d’images non générées en circulation sur Internet. Cela pose une question anthropologique majeure sur le statut des images. En voyant une photo, on estimera par défaut qu’il y a plus de chances qu’elle soit fausse que vraie. C’est une forme de retour à l’ancien, à ce qui existait avant la photo : lorsqu’on voyait une gravure ou un vitrail, on savait qu’il ne représentait pas exactement les choses comme elles s’étaient passées, puisqu’il y avait eu la médiation d’un artiste. Avec l’intelligence artificielle, nous allons revenir à un âge préphotographique, où l’image n’est pas équivalente au réel.
Pour vous, quels sont les champs d’application de l’IA dans l’art les plus prometteurs ?
V. S. _ À l’avenir, je pense que de plus en plus de romans vont être écrits en collaboration avec des intelligences artificielles, utilisées pour simuler des dialogues, créer des personnages, travailler sur des intrigues… Je pense que l’IA pourrait aussi permettre un grand retour de la poésie. On peut générer des poèmes minute adaptés aux références de chaque lecteur, tout en incorporant la personnalité d’un auteur ou d'une autrice pour nourrir les machines. L’autre grand champ d’expression pour lequel l’IA en est encore à ses balbutiements, c’est la sculpture. Le domaine commence à être exploré par des artistes, comme le Franco-canadien Grégory Chatonsky, qui crée des statues à partir de modélisations 3D. Quelle influence les artistes ont-ils sur le développement de l’intelligence artificielle ?
V. S. _ On peut dire que les artistes eux-mêmes ont imaginé l’intelligence artificielle avant son apparition. La première fois qu’on parle de robots, c’est sur une scène de théâtre dans les années 1920 en République tchèque (R. U. R. pour“Rossumoviuniverzálníroboti”estunepiècedethéâtre de science-fiction, écrite par Karel Čapek, ndlr). L’auteur de science-fiction Isaac Asimov a écrit les Trois lois de la robotique dans son Cycle de Fondation. Et on n’aurait peut-être pas eu de systèmes parlants sans le super ordinateur Hal 9000 représenté à l’écran par Stanley Kubrick dans 2001, l’odyssée de l’espace. C’est pour cela que j’appelle vraiment les artistes à se positionner par rapport à cette technologie : ils ont entre leurs mains le pouvoir de définir ce que l’IA peut devenir demain.
L’avènement de l’intelligence artificielle soulève de nombreuses questions dans le domaine de la création : quelle place lui accorder dans le processus créatif, quelle sera la part de l’humain dans le résultat final, comment utiliser des outils sûrs et adaptés… Éléments de réponses à travers la parole d’acteurs du monde culturel de tous les horizons.
L'IA,
l'art et la manière
ARTISTE
CO-FONDATRICE
D’ASK MONA
vec Ask Mona, notre ambition est de décloisonner l'accès à la culture en facilitant le dialogue entre les institutions culturellesmusées, théâtres, fondations, monuments, etc…et leurs publics. Dans cette optique, nous avons développé une solution mobilisant l’intelligence artificielle qui est disponible avant, pendant et après la visite. Avant la visite, un assistant en ligne vient répondre à toutes les questions du public. Pendant, nous avons créé un guide audio qui permet aux visiteurs de prendre en photo des œuvres et de poser n'importe quelle question à l'oral ou à l'écrit. Et après la visite, nous avons conçu des badges intelligents qui permettent de discuter avec l’IA de personnages historiques, d’artistes célèbres, voire de certaines de leurs œuvres.
Plusieurs études expliquent que si peu de personnes vont au musée, c'est qu'elles perçoivent une grande distance entre qui elles sont et ce qu'elles imaginent être le visiteur idéal. Avec ces nouveaux outils, même si on n’a pas les codes, on va pouvoir se sentir à sa place, on ne va pas avoir peur de poser des questions “absurdes” devant un groupe, on va vivre l’expérience à son rythme. C’est l'un des atouts de l'intelligence artificielle générative : un niveau de personnalisation très élevé. Nous sommes tous différents, nous avons tous des connaissances et une sensibilité
différente. Sauf que jusqu’ici, dans le milieu culturel, nous avions exactement les mêmes contenus qui nous étaient proposés.
Nous avons pu comparer et constater que plus nos outils étaient utilisés, plus le temps passé devant les œuvres augmentait. C’est un véritable enjeu pour les lieux avec lesquels nous travaillons de faire en sorte que le visiteur ne passe pas juste devant une œuvre, mais puisse vraiment s'arrêter, prendre le temps de la regarder, avoir du coup une expérience plus qualitative. Pour nous, l’intelligence artificielle peut répondre à ces questions d'accessibilité et de démocratisation culturelle au sens large.
Cela nécessite de travailler main dans la main avec les personnes qui sont détentrices du savoir dans les organisations culturelles, qui vont mettre à disposition des données : brochures explicatives, biographies d’artistes, fiches techniques… Nous récupérons toute cette matière existante pour nourrir notre IA. Ces experts vont ensuite vérifier que les réponses sont satisfaisantes et utilisables par le grand public. Le principe est le même pour les badges intelligents - nous avons travaillé avec des curateurs et des experts pour que les représentations soient les plus fidèles possibles, tout en mettant en place des garde-fous pour adapter les personnalités à la sensibilité d’aujourd’hui.
Marion Carré
Benoît Baume
CO-FONDATEUR DU MAGAZINE
PHOTO FISHEYE
Je constate une évolution, une prise de conscience assez forte que nous ne sommes pas face à une technologie qui va passer, mais qui va considérablement impacter nos sociétés dans la durée. Elle va continuer à apprendre, à progresser, à développer de nouveaux usages… Donc penser le futur de l’intelligence artificielle avec des limites technologiques, c’est pour moi un biais. Pour mener une réflexion législative, éthique, morale et artistique, il vaut mieux imaginer qu’elle pourra bientôt tout faire - même ce qui est inconcevable aujourd’huiet s’inscrire dans ce cadre-là plutôt que dans celui de ses limites actuelles. D’autant qu’il existe deux manières de voir l’IA : comme un outil “technique” capable de nous faire gagner du temps sur des tâches sans grande valeur ajoutée, ou comme un assistant conversationnel dans le processus créatif.
L’ADN de Fisheye, c’est la défense du point de vue des artistes et de la création. L’opinion générale, c'est de se dire que l'artiste a l'idée, qu'il la soumet à la machine et qu’elle produit l'œuvre. Ce qui est faux. Un artiste est là pour nous interroger, pour nous donner à penser, pour exprimer des émotions. Je crois beaucoup à l'extension du domaine de la créativité, de l'expression par l'IA: une interface qui n'est pas fixe, très modulable. De nombreux artistes y ont recours en amont dans le processus de création, en instaurant un dialogue pour affiner leurs idées, pour les aider à réfléchir avant de s’exprimer dans une forme de restitution plus classique : peinture, photo, sculpture, etc. Les artistes qui ont un véritable rapport au réel ne pourront jamais être remplacés par une intelligence artificielle. Une photo générée par l’IA, c'est une photo générée par l’IA. Une photo du réel, c'est une photo du réel. Ce sont deux objets très différents, qui ne racontent pas la même chose. Donc, au lieu de rejeter l’intelligence artificielle, il vaut mieux s’interroger sur comment je développe ma valeur ajoutée, mon œil de photographe, ce que j’amène en tant qu’artiste.
Au lieu de rejeter l’intelligence artificielle, il vaut mieux s’interroger sur comment je développe mon œil de photographe, ce que j’amène en tant qu’artiste.”
À l’Institut de recherche et coordination acoustique/ musique (Ircam), plusieurs groupes de recherche développent des outils liés à la synthèse sonore*.
Une équipe travaille même sur l’improvisation musicale, où l’IA s’adapte et interagit avec le jeu du musicien : comme dans un vrai bœuf, l’IA répond et improvise.
Dans le cadre de ma thèse, je me suis intéressée à l’intégration de l’IA directement dans un instrument de musique. Ma problématique principale s’articule autour de l’utilisation de cette technologie en essor constant comme un moyen d’expression inédit pour nourrir la créativité.
Dans le synthétiseur que nous avons développé, le son est entièrement généré par l’IA. Par exemple, l’un des modèles que nous avons implémenté génère des sons d’impact, notamment utilisés dans la musique électronique, les jeux vidéo ou les films d’action. Ces sons sont très difficiles à produire par le biais d’une synthèse sonore classique, mais grâce à une base de données de 3300 impacts, l’IA a pu apprendre leurs propriétés pour en générer de nouveaux.
Dans une branche similaire, on observe le développement d’instruments "augmentés" - guitares, flûtes ou violonspour accélérer le processus créatif ou faciliter l’apprentissage de l’instrument. L’IA est également très
Ninon Devis
ARTISTE, DOCTORANTE
À L’IRCAM ET INGÉNIEURE DE RECHERCHE EN AUDIO
La première réaction d’un artiste avec un nouvel outil est de le pousser dans ses limites, d’en détourner l’usage, voire même de le casser pour obtenir une création inédite.”
présente dans les outils de post-production musicale, comme le mixage ou le mastering, ainsi que dans le traitement audio. Par exemple, Native Instruments propose un outil qui nettoie ou restaure une piste de mauvaise qualité.
Parallèlement, on a aussi vu apparaître des outils permettant, à partir d’instructions écrites, de générer un morceau entier. Il est même possible de conditionner la requête pour obtenir une musique “à la Michael Jackson”, “à la Chopin”, etc. De même, les outils de reproduction vocale sont très à la mode.
Ce type d’usage en particulier me paraît dangereux puisque pour l’instant, les technologies progressent plus rapidement que la mise en place des régulations ; les questions de droits et de plagiat ne sont pas encore claires. Se pose également le problème de l’uniformisation : si dans le futur l’IA devient la norme, on peut légitimement se demander quelle sera la place de l’originalité. Ce qui est rassurant, c’est que la première réaction d’un artiste lorsqu’on lui donne un nouvel outil est de le pousser dans ses limites, d’en détourner l’usage, voire même de le casser pour obtenir une création inédite. Cette essence même de la création artistique donnera donc probablement des résultats aussi intéressants qu’inattendus.
qui permet d'obtenir des sons à partir d'un matériel électronique et/ou informatique.
*Technique
L’intelligence artificielle peut faciliter la tâche, mais elle ne remplacera jamais la sensibilité artistique.”
Ludoc
RÉALISATEUR CRÉATEUR DE CONTENUS
Depuis un an, j’utilise quotidiennement l’IA. Que ce soit en vidéo sur certaines transitions, en retouches photos, en audio pour enlever de la réverbération par exemple, ou en texte pour sous-titrer mes vidéos dans plusieurs langues. C’est un outil qui me fait gagner un temps précieux sur toutes les étapes liées à la post-production. Je m’en sers également pour la préparation de mes tournages, pour les recherches documentaires notamment.
Autre exemple, en ce moment je réfléchis à un projet de long métrage et je lui demande de m’établir une structure narrative à partir de mes idées.
C’est en cela que je pense que l’intelligence artificielle peut améliorer l’aspect créatif de mon métier. Mais attention, l’IA ne va pas écrire mon film ou générer mes dialogues. Mon métier, c’est avant tout de raconter de nouvelles histoires, d'établir de nouvelles limites…. Et ça, l’IA ne sait pas encore le faire parce qu’elle se base sur des modèles prédéfinis, sur des récits déjà établis. Elle ne peut pas remplacer la créativité et le talent
d’une personne. Certains ont peur de voir leur métier disparaître : ma philosophie, c’est que l’IA ne va pas remplacer les gens, mais ceux qui utilisent l’IA vont remplacer ceux qui ne l’utilisent pas. Parce que même dans les fonctions techniques comme le mixage ou l’étalonnage, qui sont menacées par l’IA, il y a toujours un apport créatif. Quand tu amènes une certaine teinte à l’image, que tu fournis un travail sur les couleurs, c’est un regard humain, une vision créative, qui s’exprime. L’intelligence artificielle peut faciliter la tâche, mais elle ne remplacera jamais la sensibilité artistique.
En revanche, elle peut complètement démocratiser ce savoir-faire qui n’est pas forcément accessible lorsqu’on se lance dans le métier, tout comme elle peut permettre d’élargir son audience grâce à des outils comme la traduction instantanée ou la synchronisation labiale. Quand je repense à mes débuts, il y a quinze ans, je me dis que l’IA aurait pu me faire gagner énormément de temps et me permettre de toucher un public plus large bien plus vite…
The IA rtist
Résumé
avec Gemini
Delphine Diallo, photographe afro-futuriste, utilise l'intelligence artificielle pour explorer de nouveaux horizons.
Son projet "Kush" projette l’antique civilisation égyptienne éponyme dans un futur utopique.
L'artiste encourage les autres créateurs à utiliser l'IA comme un outil pour repenser le futur et imaginer des mondes plus justes et inclusifs.
Un jour, elle en a eu marre que «toutlemondeparlemaispersonne n’essaie. » Alors elle s’est lancée. «Jesuisrentréedansl’IAparcuriosité, pourvoirquellepourraitêtrema relation avec cet outil », retrace Delphine Diallo, artiste photographe Franco-sénégalaise. La curiosité a toujours guidé le parcours de cette autodidacte. Après une première vie dans la musique à Paris, elle se tourne vers la photo et part à New York, où elle perfectionne son esthétique, notamment en réalisant des portraits de femmes révélant le « divin féminin » et se débarrassant de l’objectification sexiste et raciste souvent posée sur le corps féminin noir. Puis elle s’aventure vers des collages dépeignant des mondes parallèles, loin des fréquentes dystopies. Quand elle croise le chemin de l’IA, Delphine Diallo se demande ce qui pourrait surgir de cette collaboration. Des premiers tests sur smartphone, peu concluants, l’artiste passe ensuite à différents outils d’IA, en tâtonnant.
Jusqu’à une révélation : «J'aicomprisquel'IAme permettaitdefairecequiétaitimpossibleavecla photographie.Grâceàelle,jepeuxcréerdesuniversjamais vusparquiquecesoitd’autre,sanslimitedecoût ».
Échange et précision
Pendant plusieurs mois, Delphine Diallo expérimente et ne cesse de dialoguer avec « la machine » « Il faut toujours l’entraîner. Au début, ça ne donnait pas ce que je voulais visuellement. Puis, à force d’essayer, j’ai réussi à obtenir des images différentes de ce que j’aurais fait en photo mais fidèles à mon esthétique, à ma patte, et d’une extraordinaire précision.
J’ai appris à être très précise dans mes prompts. D’un point de vue technique, j’utilise toute mon expérience de la photo : je lui indique par exemple des objectifs d’appareils, des ratios ou des profondeurs de champ.
Aujourd’hui, je ne travaille plus qu’avec l’IA, à raison de deux ou trois heures par jour en osmose avec elle, c’est un véritable échange.» D’autant plus que l’artiste a compris comment faire face aux écueils et aux biais représentatifs, là aussi en jouant la carte de la précision. « Au départ, la technologie n’arrivait pas à générer des visages africains satisfaisants.
Delphine Diallo
ARTISTE VISUELLE ET PHOTOGRAPHE
Il faut des créatifs pour que la machine devienne justement autre chose qu’une simple machine, mais un outil de création pour la société.”
Pour avoir une vraie diversité, j’ai dû lui indiquer des ethnies, la nourrir de différents endroits d’Afrique afin qu’elle ne me propose pas quelque chose qui ressemble aux clichés existant dans notre société. J’ai mis environ six mois à parvenir à des personnages exceptionnels. »
Pour imaginer le monde de demain
Ces expérimentations finissent par donner le projet « Kush », du nom d’une ancienne civilisation égyptienne dont il n’existe aucune image. L’artiste recrée la vision de cette civilisation, mais demande aussi à l’IA de la projeter 3 000 ans dans le futur. Désert, visages de femmes guerrières vêtues d'armures dorées, chevaux majestueux… L’artiste mélange les mondes et les références historiques à sa propre imagination, une pratique qu’elle considère paradoxalement plus authentique. « Même si ce que je crée n’est pas réel à proprement parler, il y a quelque chose d’intègre qui réunit nos civilisations humaines dans l’énergie de l’image et dans l’intention.
Je crois vraiment que c’est en créant ces visions du futur que nous souhaitons que nous pourrons parvenir à les faire exister. » Dans un monde artistique où l’IA peut être considérée comme une menace, Delphine Diallo fait office de pionnière, ses créations étant désormais exposées partout dans le monde : de musées en galeries, de New York à Tokyo, en passant par Bâle ou Shanghai. « Je pense qu’il ne faut pas se plaindre de la machine ni en avoir peur, ce n’est que le reflet de notre société », dit-elle.
Elle aimerait que les artistes cessent aussi de « prendre à la légère » ce nouvel outil pour réfléchir à « comment nos inspirations peuvent créer le monde de demain ».
Résumé avec Gemini
L'IA révolutionne les industries créatives, offrant aux artistes de nouveaux outils et ouvrant de nouvelles perspectives.
L'IA peut contribuer au rayonnement de la culture française, à condition que les modèles soient entraînés avec la langue et la culture du pays.
Un dialogue entre tous les acteurs est essentiel pour garantir transparence et rémunération équitable des artistes.
n quoi les outils d’IA générative peuvent-ils constituer de nouvelles opportunités pour les industries créatives ?
Alexandra Bensamoun
De la même manière que tous les outils techniques et technologiques peuvent aider à augmenter la créativité, l’IA peut elle aussi inspirer les auteurs et les artistes. C’est une aide, un soutien, comme une conversation que l’on pourrait tenir avec quelqu’un et qui permettrait de se dépasser. Si les auteurs s’en saisissent avec leurs propres compétences et personnalité, ce sera passionnant. L’IA générative n’est rien sans l’audace créative d’une personne. Il n’y a pas de génération "magique", autonome. Mais il peut y avoir des réponses, des dialogues, des
PROFESSEURE DE DROIT
À L'UNIVERSITÉ PARIS-SACLAY
Alexandra Bensamoun
collaborations fructueuses, pour repousser les limites de l’imaginaire humain. Plus globalement, une imprégnation de l’IA dans tout le secteur est souhaitable, de la création à la distribution en passant par la production.
Cette technologie peut-elle également contribuer au rayonnement de la culture française ?
A. B. Elle rayonne pour l’instant assez peu, les sources d'entraînement étant majoritairement anglophones. Pourtant, à une question sur la culture française, il est important qu’une réponse française émerge. Nous n’avons certes pas de champion numérique en France comparable aux Américains, mais nous avons des contenus culturels qui font notre richesse - les Jeux Olympiques et Paralympiques en ont été la preuve. Il faut alors agir tous ensemble pour que nous ayons la possibilité, dans le respect du droit d’auteur et des droits voisins du droit d’auteur, de permettre l'entraînement des modèles d’IA avec la langue et la culture françaises.
Concrètement, quel cadre législatif et réglementaire assure aujourd’hui la protection des auteurs ?
A. B. _ C’est une construction assez complexe. Dès 2019, la Directive sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique a abordé le sujet, alors que nous n’avions pas encore à l’époque le recul nécessaire, ni la connaissance suffisante. Elle comporte deux exceptions, qui permettent donc l'utilisation des contenus pour l'entraînement des modèles sans autorisation. Mais des conditions sont évidemment associées à leur bénéfice : la première pour la finalité scientifique, la seconde pour toutes finalités, y compris commerciales. C’est cette dernière qui est utilisée par les fournisseurs d’IA pour entraîner les modèles. Encore faut-il en respecter les critères. Il faut notamment un accès licite aux contenus, ce qui n’est pas toujours garanti. Il est également nécessaire que le titulaire de droits n’ait pas exercé son droit d’opposition. Le législateur européen, avec le Règlement sur l’IA (AI Act), entré en vigueur en août dernier, intervient à nouveau aujourd’hui pour assurer une plus grande transparence. Précisément, le texte européen impose la mise en place d’une politique interne visant au respect des droits, "by design" en quelque sorte. Il requiert également la publication par les fournisseurs de modèles d’un « résumé suffisamment détaillé » des contenus utilisés pour leur entraînement. Cette notion de résumé n’étant pas très claire, le ministère de la Culture m’a chargée de déterminer ses caractéristiques via le CSPLA (Conseilsupérieurdelapropriétélittéraireet artistique,uneinstanceconsultativeindépendante,ndlr).
Pour parvenir à une solution satisfaisante concernant les droits d’auteur, nous allons devoir dialoguer, et notamment sortir des postures.”
Alexandra Bensamoun
Quels nouveaux défis spécifiques l’intelligence artificielle pose-t-elle pour le droit d’auteur ?
A. B. Personnellement, je n’ai pas l’impression que le défi soit complètement nouveau. L’histoire se répète en réalité. Quand le streaming est arrivé, deux sites étaient en concurrence. L’un a refusé de signer des licences avec les ayants droit, ce qui a entraîné sa perte. L’autre s’appelle aujourd’hui Deezer. Je crois que lorsqu’un nouveau service ou une nouvelle technologie est développé, il faut s’attacher à respecter la chaîne de valeur. C’est plus ou moins compliqué, plus ou moins contraignant, mais il s’agit finalement de mettre en place un marché éthique et compétitif, seule solution économique pérenne.
Justement, comment concevoir le débat autour d’une juste rémunération en faveur des auteurs et des artistes ?
BIO
Alexandra Bensamoun, est membre de la Commission interministérielle de l’IA, professeure de droit à l’Université Paris-Saclay et personnalité qualifiée au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (ministère de la Culture).
A. B. Il est important que tout le monde se rende compte qu’un marché ne peut être créé qu’en respectant la chaîne de valeur. Les fournisseurs d’IA ne rechignent pas à financer les composants techniques comme les puces, les GPU, l’électricité, les centres de données, et même les talents. Les données, intrants indispensables à cette technologie, ne peuvent être exclues de ces investissements. D’évidence, la valeur de la donnée dépendra notamment de la taille du modèle, de son usage également. Pour parvenir à une solution satisfaisante, nous allons devoir sortir des postures. Entre ceux qui dénoncent «lepillagedelaculture»et ceux qui accusent de « fermer le monde à la connaissance », il y a une voie, celle du dialogue. Les deux points de vue ne sont pas irréconciliables. Il nous faudra tous nous réunir pour réussir en proposant une solution équilibrée et respectueuse des chaînes de valeur.
RÉGULER pour mieux créer
efficacement à leur repérage et à la lutte contre leur propagation. Par ailleurs, l’IA pourrait apporter une aide considérable à des équipes et consortiums de journalistes, pour mener par exemple des enquêtes et investigations d’envergure internationale. Nous croyons, plus généralement, qu’un accompagnement pédagogique des publics est nécessaire pour les aider à mieux comprendre et appréhender les usages, les atouts et les risques de l’IA. Les médias traditionnels, qui ont su tisser un lien de confiance avec le public, ont un rôle clé à jouer pour sensibiliser aux risques en matière de désinformation.
Membre de l’Arcom et président du groupe de travail « création et production audiovisuelle, cinématographique et musicale », Antoine Boilley détaille les réflexions en cours à l’Arcom concernant l’intelligence artificielle.
Comment envisagez-vous de réguler l’utilisation de l’IA dans les médias ?
Nous avons la conviction, dans la droite ligne de l’AI Act, que l’échelon européen est le bon pour une régulation pertinente de l’IA. À l’échelle nationale, l’Arcom, qui régule les médias audiovisuels et numériques, et non les technologies, prendra sa part, le moment venu, en s’attachant à ses priorités : la protection et la promotion de la création ; l’honnêteté et la rigueur de l’information ; la protection des publics. Ces thématiques sont au centre de notre approche, tout comme la nécessité d’accompagner nos acteurs nationaux dans le déploiement de l’IA. Il faut veiller en effet, à ne pas créer, à leur détriment, de nouvelles asymétries de concurrence. Il convient de les aider à attirer et faire émerger de nouveaux talents et à se saisir de l’IA comme d’un outil pour mieux informer, mieux valoriser les archives, enrichir les créations et faire rayonner les productions plus largement à l’international. Les équipes de l’Arcom travaillent également à la manière dont les outils d’IA pourraient nous aider dans nos missions de régulation, par exemple pour le suivi de la parité à l’écran.
Quels sont les défis posés par l’IA en matière de transparence et de traçabilité de l’information ?
Force est de constater que l’IA peut tout aussi bien créer et diffuser massivement de fausses informations que contribuer
Les acteurs technologiques comme Google doivent-ils contribuer à un développement responsable de l'IA dans le domaine de la création ? Oui en développant des modèles d’IA générative qui participent à la fabrication de programmes culturels à plus grande valeur de production, respectueux de la propriété intellectuelle et de l’expertise de chacun sur la chaîne de valeur. C’est un défi immense. Il est à relever collectivement, en veillant à ne pas opposer l’innovation et la créativité à la régulation. Sans oublier, naturellement, la nécessité de limiter l’impact environnemental de cette technologie et de ses usages, dans le prolongement de la dynamique de l’éco-production.
Antoine Boilley
“Nous croyons qu’un accompagnement pédagogique des publics est nécessaire pour les aider à mieux comprendre les usages, les atouts et les risques de l’IA.”
À l’heure de l’IA, Justine Ryst, directrice générale de YouTube France, explique comment la plateforme continue d'innover pour libérer la créativité de manière responsable.
“YouTube a toujours soutenu et protégé la création”
Quelles sont les initiatives de YouTube France pour mettre l'IA au service des créatrices et des créateurs ?
Dans le fond, l'ADN de YouTube n'a pas changé : nous voulons toujours donner à chacun la possibilité de s’exprimer. En cela, l’IA générative est une opportunité formidable pour enrichir l’expérience de création : l'idée et son exécution n'ont ainsi jamais été aussi proches. Dans cette optique, nous avons mis à la disposition des créatrices et créateurs en 2023 une multitude d’outils sur notre plateforme : Dream Screen génère des arrière-plans vidéo avec des prompts, Dream Track aide à créer des bandesson uniques. Nous avons aussi YouTube Create ou AI Insight qui aident à trouver de nouvelles idées de contenu en se basant sur la communauté. En rendant ces technologies accessibles à toutes et tous, nous contribuons à la liberté de création.
Comment faites-vous pour assurer aux créateurs une juste rémunération ?
YouTube a toujours soutenu et protégé la création : notre modèle est le même depuis le début. Notre succès, c'est celui de nos créateurs et créatrices au sens le plus large, des vidéastes aux musiciens en passant par les médias partenaires… Nous leur reversons toujours directement plus de la moitié des revenus publicitaires, que leur œuvre soit synthétique ou non. Nous avons également mis à jour Content ID, notre outil qui permet aux ayants droit de contrôler la monétisation ou l’exploitation de leurs contenus, pour qu’il détecte les vidéos générées par l’IA qui utilisent du contenu protégé ou inapproprié.
Tout l’enjeu est de trouver le juste équilibre entre innovation et régulation.”
Justine Ryst
Comment imaginez-vous un cadre réglementaire efficace pour l'IA ?
Dès 2018, nous avons appelé à la régulation de l’IA, convaincus que l’IA est une révolution trop importante pour ne pas être régulée. Tout l’enjeu est de trouver le juste équilibre entre innovation et régulation en se concentrant sur ses cas d’usage. L’AI Act est une première étape essentielle vers une IA digne de confiance. La prochaine étape, qui concernera les aspects techniques, devra préserver cette approche basée sur les risques afin de garantir une régulation efficace et proportionnée.
Les deepfakes et autres utilisations détournées de l’IA se multiplient à des fins illicites. Comment
identifier les contenus générés par l’IA, et plus largement, comment YouTube France lutte contre la désinformation ?
Nous avons renforcé notre système de modération pour lutter contre ces contenus, synthétiques ou non. Pour plus de transparence, nous avons également introduit un label pour les contenus synthétiques réalistes qui respectent notre règlement.
Les utilisateurs disposent ainsi de toutes les informations et peuvent évaluer la véracité du contenu. Enfin, nous supprimons les contenus qui usurpent l'identité d'une personne. Une procédure rapide est mise en place pour signaler ce type de contenu et aider les victimes de deepfakes à obtenir une réponse rapide.
Résumé avec Gemini
Quand l’IA transforme la
Maison de la Radio
Radio France utilise l'intelligence artificielle pour améliorer ses programmes et son organisation, en s'engageant à le faire de manière responsable.
L'IA est utilisée pour la transcription, la traduction, l'édition numérique, la création de sous-titres et bien d'autres tâches, permettant aux journalistes de gagner du temps et de se concentrer sur des missions plus créatives.
Radio France explore de nouvelles façons de distribuer la radio, notamment dans les véhicules connectés.
Pour Matthieu Beauval, qui a intégré le groupe Radio France au début des années 2000, la nouveauté n’en est pas une : « la notion d’IA est en réalité présente depuis un certain temps ». Celui qui a occupé tour à tour les fonctions de directeur d’antenne, des programmes puis de l’innovation numérique, a pu constater au fil des années l’utilisation grandissante de l’intelligence artificielle. Le résultat, au sein de Radio France, d’une vision ou plutôt, d’une culture de l’innovation : « Dèslaprécédente mandature,ilyavaitcetteintuition defaireentrerlenumériqueàmême hauteurquelaradio,pourpréparerla mutationversunmédiaglobalavecdu son,despodcasts,dureplay,del'image, delaphoto,desapplications… ».
Se débarasser des « irritants »
Afin d’accompagner cette mutation, une cellule dédiée transverse a vu le jour, avec pour mission d’adapter l’IA aux différents champs professionnels.
«Bienévidemment,nousavonscommencéparl’éditorialetl’information», retrace Matthieu Beauval. Tri des informations et des sources, résumé des documents techniques, transcription automatique des interviews, traduction automatique, sont autant d’applications testées avec la volonté d’augmenter en qualité plutôt que de remplacer :
« Donnerànosjournalisteslapossibilité d'avoir accès à ces outils-là enlève des irritantsetleurpermetdegagnerun tempsprécieuxpourseconcentrersur desaspectspluscritiquesdeleurtravail, commel’investigation,l’analyseen profondeuretlanarration. »
L’IA peut également aider à vérifier rapidement les faits et à croiser les informations, en analysant des grands ensembles de données ou des documents techniques, crucial dans la lutte contre les fake news et la désinformation, mais aussi à rendre les contenus plus accessibles et plus personnalisés.
«Aveclesoutilsdeproduction,notre capacitédemiseenligneestdécuplée, etcesurtouteslesplateformes, reprend l’expert maison. Une émission scienti-
Matthieu Beauval
DIRECTEUR ACCÉLÉRATION ET PARTAGE DE L’INNOVATION DE RADIO FRANCE
“Donner à nos journalistes l’accès à l’IA leur permet de gagner un temps précieux pour se concentrer sur des aspects plus critiques de leur travail.”
fiquetrèspointuesurFranceCulturepar exemplepeutêtrerapidementdisponible enligne,avecuneidentificationdes différents intervenants et une retranscriptionfidèle.Nousavonsaussipour ambition de créer un avatar virtuel en LanguedesSignesFrançaise(LSF),qui seraitdisponible24hsur24»
La pédagogie au cœur du projet
Si la volonté est d’étendre l’utilisation de l’IA à «dixsecteursprioritaires, delaproductionaudioàladirectiondes affaires financières, de la création musicaleaujuridique,del'IAresponsable à la R&D », dixit Matthieu Beauval, pas question pour autant d’oublier le rôle et les obligations du service public, notamment en matière de transparence et de transmission. Le groupe se refuse ainsi à tout contenu éditorial ou visuel généré par l’IA. Il forme autant en interne qu’il informe sur ses antennes, fait régulièrement intervenir des experts, et participe activement au futur de l’IA dans les médias et ses bonnes pratiques au sein de l’Union Européenne de Radio-Télévision (UER). Autant d’engagements naturels, selon Matthieu Beauval : «Ilyaunemissiondeservicepublic quis’appliquenonseulementeninterne, mais aussi vis-à-vis de nos auditeurs. Notre mantra, c’est : enthousiastes et responsables.Nousnousdevonsd’être unvéhiculemajeurdelapédagogie, etfairecomprendrequelssontles tenants et aboutissants de cette technologie,etsavoiroùsontleslimites, lesgarde-fouséthiques.»
Comment aller plus loin ?
BIO
Après des études de journaliste reporter d’image et des débuts à la télévision, Matthieu Beauval passe à la radio en intégrant Le Mouv’ en 2000 en tant que directeur des programmes et de l’information. Il est nommé directeur adjoint de la station en 2004, puis devient aussi directeur adjoint du département nouveaux médias de Radio France. Depuis 2019, il est directeur accélération et partage de l’innovation du groupe.
Matthieu Beauval a déjà son idée sur le futur, notamment sur un des lieux privilégiés de consommation de la radio : « Je m’intéresse énormémentauxsujetscommelamobilité,par exemple.C’estlàqueGooglepeutnous aideravecGoogleAutomotiveServices. Lamanièredontl'IAvapermettre de distribuer la radio à l'intérieur de véhiculeséquipésdecesnouvelles technologiesvaêtrerévolutionnaire entermesdepersonnalisationet d’expérience». Votre radio entièrement sur mesure dans votre auto ? C’est peut-être pour bientôt.
passe en salle
Elisha Karmitz
DIRECTEUR GÉNÉRAL
DU GROUPE MK2
Montage, effets spéciaux, doublage, inspirations scénaristiques mais aussi valorisation du patrimoine… le point sur les nouvelles applications de l’intelligence artificielle générative avec Elisha Karmitz, à la tête du groupe mk2, premier groupe de cinéma d’art et d’essai en France.
À l’heure actuelle, quels sont les principaux usages de l’intelligence artificielle dans le secteur du cinéma ?
Dans la pré-production, l’IA est beaucoup utilisée pour des moodboards (des tableaux d'inspiration visuelle) et des storyboards (des séquences d'images qui illustrent le scénario du film). Au niveau de la production, nous attendons encore des modèles génératifs plus développés. Cependant, certains outils peuvent déjà être utilisés en termes d’inspiration, pour des idées de réécriture de scénarios… En termes de post-production, l’IA est principalement mise à profit dans les effets spéciaux et les trucages, mais aussi pour les doublages de voix. Elle permet notamment de modifier les mouvements de bouche des personnages pour qu’ils soient en harmonie avec la voix doublée. Enfin, l’IA peut aussi
Tapis rouge
mk2 et Artefact, spécialiste français de l’IA, ont créé l’Artefact AI Film Festival, dont YouTube est partenaire. Ce concours international de courts métrages ouvert à toutes et à tous récompense la créativité des artistes utilisant l’intelligence artificielle générative pour l’écriture, la production et la réalisation. La remise des prix aura lieu en novembre, en présence de Jean-Pierre Jeunet, président de cette première édition.
servir pour la restauration des films : c’est un outil incroyable qui permet de voir certains détails comme on ne les a jamais vus. Ce qui amène une interrogation intéressante : respectet-on l'œuvre originale en y amenant de nouveaux détails ?
L’IA peut-elle contribuer à rendre le cinéma français plus compétitif ?
À l’échelle européenne, par exemple, le marché est très atomisé avec un grand nombre de pays et de langues, ce qui est un frein à la distribution.
Les capacités de l’IA en termes de doublage et de sous-titrage peuvent nous aider à consolider ce marché, en permettant une meilleure circulation des œuvres.
Certains craignent que l’IA ne remplace des emplois… À mes yeux, l’intelligence artificielle va plutôt transformer les emplois : certains vont apparaître là où d’autres auront disparu. Dans ce contexte, l’adoption de l’IA doit se faire de manière progressive et il faut développer des outils de formation pour permettre des reconversions professionnelles, notamment pour les métiers les plus exposés.
Quelles sont, selon vous, les applications les plus prometteuses de l’IA dans l’audiovisuel ?
L’IA générative est le moteur des technologies immersives, qui sont déjà présentes dans nos vies avec la réalité augmentée et la réalité virtuelle. Elle devrait permettre de baisser le coût de ces expériences, et donc de les rendre plus accessibles. Mais elle devrait aussi aider à produire des choses incroyables dans le domaine du jeu vidéo, en permettant de mieux personnaliser les expériences de jeu, d'enrichir la narration et l'interactivité… Demain, on devrait pouvoir vivre des expériences audiovisuelles incroyablement fortes émotionnellement.
En partenariat avec des institutions culturelles emblématiques comme le Château de Versailles, Google Arts & Culture œuvre pour rendre la culture française accessible à toutes et à tous, notamment grâce à des expériences immersives innovantes.
Château de Versailles : bienvenue à la Cour
vec la réalité augmentée disponible directement dans l’application Google Maps, il est maintenant possible de percer les secrets du Château de Versailles et d’admirer la splendeur de la galerie des Glaces ou d'autres salles iconiques à travers ses murs.
Une prouesse rendue possible par l’IA - les modèles Google Vision sont capables de comprendre et d'identifier la façade du bâtiment vers lequel l'utilisateur pointe son appareil photo, et de déclencher l’affichage du contenu en réalité augmentée ancré dans cet endroit spécifique.
Le fruit d’une collaboration étroite avec les équipes de Google Arts & Culture d’après Paul Chaine, chef de service développements numériques au Château de Versailles : « Nous travaillons ensemble depuis plus de 10 ans. Cette expérience permet à nos visiteurs de découvrir des contenus culturels et immersifs dans Google Maps et ainsi d’approfondir leurs connaissances sur le château de Versailles ».
En soutenant l’un des plus hauts lieux de culture français, Google Arts & Culture vise la démocratisation du savoir : « Nous avons pour mission la promotion, l’accessibilité et l’éducation à l’art » pose Elisabeth Callot, à la tête du programme. Une ambition soutenue par l’intégration de cette technologie dans Google Maps pour ceux qui ne peuvent se déplacer.
Coded
Art Selfie 2 : L’art à votre image
Étienne Ferrier
INGÉNIEUR GOOGLE ARTS & CULTURE
« Art Selfie 2 a notamment été développé par mon équipe d'ingénieurs basée à Paris. Cette fonctionnalité transforme un selfie en une création originale, à partir de différents styles artistiques ou historiques. L'IA générative intègre votre visage de manière fluide dans le décor choisi, que ce soit les jardins de Monet ou une scène de la Renaissance italienne. L’expérience s’accompagne également d’informations pour en apprendre plus sur l'art et sur l’histoire.
Dès la conception, nous avons intégré la question de l'inclusivité : nous avons utilisé un panel de photos très diversifié en termes de genre, de couleur de peau et d'âge, afin que les styles proposés tendent à respecter les caractéristiques de chaque utilisateur.
Cette fonctionnalité est une bonne illustration de la mission de Google Arts & Culture : promouvoir et rendre l'art accessible dans toute sa diversité à toutes et tous. »
RETROUVEZ ART SELFIE 2 sur l'application Google Arts & Culture disponible sur Android et iOS
L’intelligence artificielle peut-elle être un nouvel horizon pour la création ?
C’est la question au cœur de ce onzième numéro d’Azerty.
En commençant par le Regard p.04 de Valentin Schmite, enseignant à Sciences Po et co-auteur du livre “Propos sur l’Art et l’Intelligence Artificielle”, avant de découvrir les Témoignages p.06
d’acteurs du monde culturel de tous les horizons.
Place ensuite au portrait d’une Pionnière p.10 : Delphine Diallo, artiste visuelle autodidacte qui imagine des mondes plus justes et inclusifs. Et si l’IA transforme l’art, elle représente également une opportunité pour l’économie culturelle, à condition d’être encadrée : Perspective p.12 qu’explore Alexandra Bensamoun, professeure de droit et membre de la commission intelligence artificielle, Antoine Boilley, membre du collège de l’Arcom, et Justine Ryst, @YouTube p.15 Cette dernière détaille comment la plateforme continue d'innover pour libérer le potentiel créatif des talents de manière responsable.
Passage ensuite sur le Terrain p.16 de Radio France, aux côtés de son directeur de l’innovation Matthieu Beauval, et Focus p.18 sur les salles obscures avec Elisha Karmitz, à la tête du groupe mk2.
Avant de finir, pourquoi pas, dans la galerie des Glaces du Château de Versailles grâce à la réalité augmentée de Google Maps ou au cœur des jardins de Monet avec Art Selfie 2, une innovation Google Coded in France p.19